
Y a-t-il eu des développements pertinents en acupuncture après…
Le Ling Shu est le premier livre écrit sur l’acupuncture. Composé de 81 chapitres, il est contruit sous la forme d’un dialogue entre le maitre Qibo et son illustre étudiant Huangdi. Leur discussion couvre tous les aspects de l’acupuncture: la théorie des méridiens, leurs trajets et fonctions, la localisation et l’application des points, les différentes techniques d’acupuncture, etc. Qibo discute également de l’étiopathologie et des traitements de nombreuses maladies.
Selon le Ling Shu, notre corps est constitué de six paires de systèmes de régulateurs appelés méridiens; chaque méridien se connecte à un organe interne et à certaines zones du corps. Chaque méridien correspond à certaines fonctions physiologiques. Ces douze méridiens constituent nos systèmes respiratoire, immunitaire, métabolique, endocrinien etc décrits par la médecine occidentale moderne.
Le chapitre 10 du Ling Shu affirme par exemple que l’asthme est causé par un déséquilibre du méridien du poumon. Le chapitre 2 du Ling Shu traite lui d’un lien entre les points situés sur l’avant-bras et les poumons. Par conséquent la poncture de ces points de l’avant-bras permet de rééquilibrer le méridien du poumon et de soulager l’asthme.
Le Ling Shu discute également de la technique de poncture. Par exemple, au chapitre 12, Qibo décrit la durée moyenne de rétention de l’aiguille pour chaque méridien. Ceux qui ont déjà expérimenté l’acupuncture se rappellent sans doute que le traitement consiste à rester allongé sur une table de soins pendant quinze à trente minutes avec des aiguilles insérées dans différents endroits du corps. C’est la méthode appropriée pour traiter les problèmes musculaires tels que la raideur de la nuque ou les douleurs du bas du dos. Cependant, dans les cas de déséquilibrés des méridiens produisant des manifestations comme les allergies, l’asthme ou la sclérose en plaques, retenir les aiguilles pendant la même durée va à l’encontre des principes de l’acupuncture du Ling Shu.
Qibo déclare que le temps le plus long de rétention de l’aiguille dans le méridien de l’estomac ne devrait pas dépasser une minute. Que se passe-t-il si le temps de rétention de l’aiguille est plus long que le temps mentionné dans Ling Shu? C’est tout simplement ce que l’on appelle une mauvaise pratique de l’acupuncture et l’état du patient risque de s’aggraver.
Il serait parfaitement logique de croire que l’acupuncture, comme la plupart des activités humaines, aurait dû s’améliorer et progresser au cours des ages. C’est ce que j’ai cru pendant longtemps jusqu’à ce que je commence à étudier le Ling Shu. Au fur et à mesure que je progressais dans l’étude du Ling Shu et que je commençais à comprendre la profondeur de l’ouvrage, je me rendais compte que nous étions plutôt face à une détérioration en cascade des théories de l’acupuncture des origines.
En observant comment la différenciation des méridiens est faite de nos jours, la façon dont les points d’acupuncture sont poncturés et les techniques de tonification et de sédation qui sont utilisées, nous pouvons dire que du point de vue du Ling Shu, l’acupuncture est pratiquée aujourd’hui sous une forme dégradée.
Par exemple, il n’y a aucune trace des cinq points Shu du Shou Shaoyin dans le Ling Shu, ce qui n’a pas empêché les auteurs des générations suivantes de les ajouter pensant sans doute qu’ils avaient été oubliés par erreur. Ainsi, dans le Classique systémique d’Acupuncture et de Moxibustion, l’auteur ajoute les 5 points Shu du Shaoyin de main. On trouve pourtant au chapitre 71 du Ling Shu une explication très claire de l’ omission volontaire de ces points.
Huangdi demanda : Pourquoi le Shaoyin de main n’a-t-il pas cinq points Shu? Le Coeur est le roi des 5 Zang 6 Fu, et le Shen y est stocké. L’organe est très fort et il ne peut pas être attaqué par le Qi pathogène. Si le cœur est attaqué par le Qi pathogène et qu’il perd sa fonction de conservation du Shen, alors le patient mourra bientôt. Par conséquent, le Qi pathogène se rend toujours dans le péricarde lorsque le cœur est attaqué.
Ling Shu, chapitre 12
Le méridien du péricarde est apparenté au protecteur du Coeur. C’est pourquoi les cinq points Shu du cœur sont situés sur le méridien du péricarde et non sur le méridien du cœur.
L’ajout des 5 points Shu du Shou Shaoyin viole non seulement la complétude de la théorie des méridiens et des points d’acupuncture du Ling Shu, mais contredit également la théorie des 5 points Shu reflétant l’activité des Zang Fu. Nous devons nous rappeler que la théorie de l’acupuncture du Ling Shu est tiré de la pratique clinique.
Par exemple, il n’existe pas de diagnostic de polyarthrite rhumatoïde en médecine traditionnelle chinoise. La plupart des textes d’acupuncture le traitent à tort comme un type de syndrome bi ( cf. Su Wen chapitre 43 «syndrome Bi»). C’est d’après le Ling Shu, un dysfonctionnement des liquides “Ye” et nous devrions traiter le shou tai yang.
En choisissant simplement quelques points nous pouvons traiter la polyarthrite rhumatoïde et obtenir d’excellents résultats.
Le chapitre 44 du Su Wen traite de la différenciation et du traitement du “syndrome Wei”. Les symptômes du syndrome de Wei décrits dans Su Wen ressemblent à des maladies comme la myélite aiguë, la myasthénie grave, la névrite multiple et la sclérose en plaques, considérées comme incurables aujourd’hui. Cependant, dans le même chapitre, il est indiqué qu ‘”un acupuncteur a réussi à traiter un tel patient en tonifiant le point Ying et en dispersant le point Shu, en harmonisant l’excès et la déficience, en harmonisant le Qi et le sang et en poncturant à certaines saisons. Basé sur la différenciation le syndrome Wei a été guéri.”
C’est l’un des nombreux exemples contenus dans le Huangdi Neijing qui montre à quel point l’acupuncture était avancée à cette époque. Aujourd’hui le traitement par acupuncture est souvent limité au seul traitement de la douleur. Ce type de symptômes est principalement lié au désordre des chaines musculaires et pas aux dysfonctionnements des méridiens principaux, ni aux dysfonctionnements des Zang Fu.
Je pense qu’une grande partie des connaissances pratiques contenues dans le Ling Shu n’a pas encore été pleinement utilisée en acupuncture. Nous ne pouvons pas réellement affirmer connaitre l’acupuncture avant d’avoir étudié le Ling Shu en détails.
En tant que professeur d’acupuncture, j’ai été souvent confronté à des questions telles que: «Utilisons-nous la théorie de l’équilibre Yin / Yang dans la pratique de l’acupuncture? Utilisons-nous la théorie des méridiens dans le diagnostic? Comment pouvons-nous retenir toutes les indications des points d’acupuncture? Utilisons-nous tous ces points dans la pratique clinique? Appliquons-nous la technique de tonification et de dispersion pendant les traitements ? Appliquons-nous différentes techniques pour différents types de maladies? Quelle partie de la théorie de la MTC s’applique réellement à la pratique de l’acupuncture?
Si l’acupuncture doit être prise au sérieux en tant que pratique médicale, ces questions doivent trouver des réponses.
J’ai tenté de répondre à ces questions par ma pratique clinique et ma connaissance du langage universel de la symbolique des nombres, de la géométrie, de l’astrologie et de la musique. A force de persévérance et d’un travail acharné je m’aperçois finalement que les réponses à mes questions apparaissent aujourd’hui simples et limpides.
Mes doutes concernant l’acupuncture ont aujourd’hui disparu.
Le Ling Shu n’est pas un livre facile à comprendre. Je vais prendre le contre-pied de certains sinologues en affirmant qu’une compréhension complète et approfondie est cruciale pour produire une traduction précise. On ne peut pas traduire correctement un ouvrage comme le Ling Shu si en plus d’une base solide de chinois classique, d’une connaissance parfaite du Su Wen, d’une pratique clinique conséquente, on ne dispose pas d’une érudition dans le domaine des arts mystiques issus de la haute Egypte. Traduire le Ling Shu n’est pas simplement une question de langue.